CHAPITRE VIII

Corran redressa son appareil, effleurant la surface de Folor. Il visa les montagnes marquant l’entrée de l’auge à cochons.

— Neuf, Dix doit-il concentrer ses boucliers à l’avant ?

— Négatif. Répartis-les. Nous aurons sans doute des ennemis à nos trousses. Whistler, envoie de la puissance à mes senseurs avant. Oui, occupe-toi d’abord de la liaison com, mais dépêche-toi !

Bientôt, l’image devint plus précise sur l’écran. Les montagnes apparurent en vert et les cibles probables, des lumières sur les flancs des montagnes, sous forme de cercles rouges.

Les cercles deviendraient des losanges si les cibles étaient dangereuses.

Le chasseur plongea dans la tranchée artificielle.

Je croirais voler entre une rangée de dents prêtes à me broyer.

Corran dirigea le chasseur au-dessus d’une petite butte, puis dans une vallée. Deux cercles se transformèrent en losanges. Il abattit la première cible tandis qu’un faisceau de rayons laser tiré par le Gand détruisait la seconde.

— Joli tir, Dix.

— Ooryl a été nerveux. Ooryl attendra l’autorisation de tirer la prochaine fois.

— Pas la peine ! Deux autres cibles. Je prends la droite, occupe-toi de l’autre.

Corran frappa avant que sa proie ait le temps de réagir. Il revint au centre du canyon, puis acheva son demi-tour par un looping.

Remontant pour permettre à ses senseurs de détecter ce qui se passait de l’autre côté d’une colline, il essuya des tirs de laser venant de deux bunkers situés à près d’un kilomètre de lui.

— J’ai celui de bâbord dans ma ligne de mire, charge-toi de celui de tribord.

Un sifflement haut perché signala qu’Ooryl avait compris l’ordre.

L’aile X passa au-dessus de la crête et essuya immédiatement plusieurs salves de laser venant de la cible de gauche. Whistler bipa pour signaler un problème à l’arrière.

— Tous les boucliers à la poupe, Whistler !

Corran vira sur la gauche, évitant d’autres rayons laser. Ce faisant, il perdit l’alignement de ses canons, mais continua à voler vers sa cible. Il tira de ses quatre canons, faisant mouche avec le deuxième et le troisième.

Puis il enclencha ses générateurs de répulsion, produisant un champ de force qui lui permit de rebondir contre le flanc de la montagne et de revenir au centre du canyon. Alors il coupa les répulseurs et plongea pour prendre de la vitesse. Il se retrouva sous Ooryl, des rayons laser passant à côté de son vaisseau.

Whistler changea l’angle d’affichage. Une des cibles était sur la pente opposée de la colline. Si Corran n’avait pas plongé si vite, il l’aurait vue.

J’aurais pu remonter, frapper puis revenir éliminer la cible de droite. Ooryl aurait eu celle de gauche et le tour était joué.

— Reviens à l’image de proue, Whistler.

Voyant les cibles devant lui, Corran ralentit afin de se laisser plus de temps pour viser.

— Nous allons être pas mal occupés…

Les cibles se déplaçaient vite et leurs tirs devenaient de plus en plus précis à mesure qu’il s’enfonçait dans la tranchée. Corran effleura son porte-bonheur, puis se concentra sur sa tâche et calcula les angles d’attaque.

Puis il plongea. S’il ne toucha pas toutes les cibles, peu d’entre elles l’atteignirent.

Aux deux tiers du trajet, Corran et Ooryl approchèrent d’une crête semblable à celle qui dissimulait un canon.

— Reste en arrière, Dix. Dès que les canons camouflés m’auront tiré dessus, fonce dans le tas et bousille-les.

Corran vola sur la crête et tira sur les canons de gauche. Virant à droite, il évita le feu venant d’en dessous, fit faire demi-tour à son vaisseau et détruisit la cible tribord.

La cible bâbord lui tirant toujours dessus, il plongea sous la ligne de feu et s’enfonça plus loin dans le canyon.

— Ooryl l’a eu, Neuf.

— Félicitations, Dix.

Corran s’aperçut que le canyon rétrécissait dans sa partie la plus profonde. Les quatre canons placés au-dessus de la crevasse étaient en parfaite position pour faire exploser les ailes X attaquant depuis l’espace, mais ils ne pouvaient pas tirer au fond de la crevasse.

— Whistler, donne-moi la largeur de cette gorge.

Le droïd indiqua d’une voix désolée qu’elle était de quinze mètres en moyenne. Douze mètres trente à l’endroit le plus étroit.

— Parfait. Les parois me protégeront.

Corran sourit et plongea vers la crevasse, les ailes parallèles au sol.

— Neuf, il faut que tu passes en biais.

— Négatif, Dix. Elle est assez large. J’ai un mètre de marge de chaque côté.

— À condition de voler exactement au milieu.

— Si je ne le fais pas, je suis fichu !

Corran se concentra sur un point imaginaire situé environ à dix mètres du nez de son chasseur. Guidant délicatement le vaisseau, il l’amena jusque-là en rectifiant sa trajectoire pour éviter les saillies de la paroi.

Il savait qu’il aurait pu voler à pleine puissance et s’en sortir.

On dirait que j’ai des kilomètres de marge de chaque côté de mes stabilisateurs, pas un mètre ou deux. Et maintenant, j’ai les cibles en vue.

Arrivé au bout de la crevasse, l’aile X de Corran cracha le feu.

Il descendit la première cible sans coup férir, amorça un tonneau, élimina la deuxième cible, puis continua la manœuvre jusqu’à ce que son vaisseau vole à l’envers. La troisième station d’artillerie ne résista pas à deux tirs de laser.

Ooryl élimina la dernière cible.

Corran se dirigea vers l’endroit où le reste de l’escadron orbitait.

— Très impressionnant, Horn, dit la voix de Wedge Antilles dans le casque de Corran. Votre score est de 3250 sur 5000. Très bien.

— Tu entends ça, Whistler ? Rogue Leader est impressionné !

Horn ouvrit sa fréquence.

— Merci, monsieur.

— Vous pouvez rentrer à la base, monsieur Horn.

Votre participation à cet exercice est terminée. Vous êtes libre…

Libre, oui, fulmina Corran. Libre de me ridiculiser…

Les muscles de sa mâchoire lui faisaient mal tant il serrait les dents. Il avait attendu ses camarades dans le hangar, espérant apprendre que son score était le meilleur. Corran n’avait pas envie d’humilier les autres, comme l’aurait fait Bror Jace. Il souhaitait simplement qu’ils le sachent compétent.

Lujayne Forge et Andoorni Hui arrivèrent les premières.

Ce sont de bons pilotes, mais j’étais en pleine forme. Elles n’ont pas pu faire mieux que moi.

— J’ai fait 3300, Corran, et Andoorni 3750, dit Lujayne d’un ton presque désolé.

— Comment ?

— Nous étions en forme. Tu nous as inspirées ! (Lujayne lui sourit.) Tu veux venir avec moi au Bon Repos manger quelque chose ?

— Merci. Je te verrai peut-être plus tard…

Peshk Vri’syk et Ooryl arrivèrent ensuite. Le Bothan à la fourrure rousse prit grand plaisir à annoncer un score de 4200. À l’insistance de Corran, le Gand avoua :

— Qrygg a obtenu une note de 4050.

C’était étrange. Utiliser son nom de famille indiquait que le Gand avait honte de quelque chose. Il ne pouvait pas s’agir de son score, tout à fait excellent.

Cela avait donc quelque chose à voir avec Corran.

Les autres n’ajoutèrent pas grand-chose, se contentant de donner leurs scores. Tous étaient meilleurs de quelque mille points.

C’était invraisemblable. Corran savait qu’il avait piloté de son mieux.

Il rejoignit Whistler, qui s’était connecté à une prise pour recharger ses batteries.

— Whistler, au début de l’exercice, tu as envoyé mes données à quelqu’un. Qui était-ce ?

L’image miniature de Wegde Antilles flotta devant le droïd, qui émit une série de sifflements plaintifs.

— Oui, je sais que je ne te l’ai pas interdit. Toutefois, ne donne plus jamais ce genre de renseignements sans mon autorisation, d’accord ?

Le Chasseur de Têtes de Tycho revint, accompagné par Rogue Leader. Corran regarda les deux vaisseaux se poser.

— C’est le moment d’obtenir la réponse à une ou deux questions…

Le droïd essaya de retenir son maître par le tissu de sa combinaison de vol. Corran tira, déchirant le vêtement.

— Tu m’as trahi, Whistler. N’aggrave pas le problème.

Corran se mit au garde-à-vous quand Wedge descendit de son aile X.

— Avez-vous quelque chose à me demander, Horn ?

— Oui, monsieur.

— Suis-je autorisé à parler franchement ?

— Allez-y, Horn.

Corran serra les poings.

— Vous avez transmis mes données tactiques aux pilotes. J’ai fait le meilleur score possible pour une première tentative. Les autres sont partis de mes éléments, et ils les ont améliorés.

— Et… ?

— Ce n’est pas juste, monsieur. Je suis un des meilleurs pilotes de l’escadron, et je passe pour le pire ! Tous ont un meilleur score que moi parce que les dés ont été pipés. J’ai été volé.

— Je vois. Vous avez terminé ?

— Non.

— Vous feriez mieux de vous arrêter là. Ou vous serez forcé de vous arrêter. Comprenez-vous ce que je vous dis ?

Un frisson glacé courut le long de l’échine de Corran.

— Oui, monsieur.

— Vous devez réévaluer les raisons de votre présence, monsieur Horn. Vous faites partie d’une équipe. Si je vous demande de communiquer vos données, vous le ferez. Vos compétences importent peu si le reste de l’escadron se fait descendre. Aujourd’hui, vos camarades ont appris à utiliser les informations d’un vol de reconnaissance pour se sortir d’une situation dangereuse. Vous avez appris que vous n’êtes pas plus important que les autres, même si vous êtes doué. Et si vous n’êtes pas content, d’autres escadrons seraient ravis de récupérer les pilotes que nous ne voulons pas garder.

Corran s’empourpra.

Wedge a raison. Il a vu la même chose que Lujayne et il a trouvé une façon de me faire voir à quel point le problème pourrait être grave. Je me suis comporté comme un idiot.

— Je suis content d’avoir appris, monsieur. Je tiens à rester dans l’escadron.

— Parfait. Je n’ai pas envie de vous perdre. Vous deviendrez un pilote d’élite, mais ce n’est pas encore fait. Il vous reste encore des choses à apprendre. Peut-être pas les mêmes que vos camarades, mais aussi importantes.

— Je comprends, monsieur. Merci.

Wedge tendit son casque et ses gants à un droïd.

— N’oubliez pas que la colère, même justifiée, peut vous faire tuer. Rompez, Horn.

Corran rendit son salut à Wegde, tourna les talons et s’enfonça dans les profondeurs du hangar. Il évita à dessein l’endroit où le R2 rechargeait ses batteries. Il n’avait nulle envie d’entendre l’équivalent de : « Je te l’avais bien dit »…

— Horn !

Corran s’arrêta.

— Capitaine Celchu, dit-il en saluant son supérieur.

— Vous êtes toujours en état de parler et de marcher ?

— Monsieur ?

— Ou le commandant Antilles a perdu la main, ou vous êtes plus coriace que je l’aurais imaginé ! lança Tycho avec un sourire en coin.